J’ai eu la nostalgie de relire des textes de prédication de Martin Luther King ce dernier weekend d’août 2017.  Mes premières lectures furent en 1993. Puis je suis passée à d’autres auteurs. Mais je n’ai pas oubliée les fortes interpellations pasteur King. J’envie son éloquence. Ses mots me  remuent dans  mon intériorité. Alors le livre« Je fais un rêve »  est une traduction dédiée à la mémoire de Madame Odile Pidoux-Payot qui fut l’une des premières traductrices de Martin Luther King en France. In « Je fais un rêve » de MLK .Présentation de Bruno Chenu. Traduction de Marc Saporta. Ed Bayard. Alors je me suis dit : Voilà, j’ai entendu toute une prédication pour 52 semaines. Bien plus ! Une grâce. Vous aussi, goûtez, savourez la lecture avec vos yeux. Vous serez plus enrichi qu’avant.

Discours prononcé le 28 août 1963, lors de la marche à Washington, devant 250 000 personnes.

  Asa rafa efa nahare ity lahateny ity ianao, sa ilay lohateny fotsiny. Fa vakio. Fahasahiana tsy misy ohatrin’izany. Misaora an’Andriamanitra noho ny fisin’ny teny mampahery toa izao sy ny iraka izay nomeny.

 

 » Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’Histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connue en faveur de la liberté.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Acte d’Emancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité.

Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du noir ont toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination ; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’Île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle ; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marges de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En un sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui transforment notre Constitution et notre déclaration d’Indépendance, les architectes de notre République signaient une promesse dont hériterait chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.

Il est évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.

Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie, le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale ; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l’injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité ; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime de mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’il advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité.

Mil neuf cent soixante-trois n’est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser de la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant.

Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n’aura pas obtenu ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice.

Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissement répréhensibles.

Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle.

Le merveilleux militantisme qui s’est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l’atteste leur présence aujourd’hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L’assaut que nous avons montré ensemble pour remporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d’aller   de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : « Quand serez-vous enfin satisfaits ? »  Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière.

Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouverons  pas un abri dans les motels des grand-routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté du mouvement du noir ne lui permettra guère que d’aller d’un ghetto à un ghetto plus grand.

Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : « Seuls les Blanc sont admis ». Nous ne pourrons être satisfaits tant qu’un noir du Mississipi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison .D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battu par des tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policières. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tâche, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption.

Retournez au Mississipi ; retournez en Alabama ; retournez en Caroline du Sud, retournez en Géorgie ; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d’une façon ou d’une autre, cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : «  Nous tenons ces vérités évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. »

Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve que, un jour, l’Etat de Mississipi lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans leur pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve que, un  jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine de mots « interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noires, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissées, toute éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera relevée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.

Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud.

Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité.

Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où tous les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle – « Mon pays c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté » – et si l’Amérique doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi.

Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.

Faites-la sonner sur les puissantes montagnes de l’Etat de New York.

Faites-la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie.

Faites-la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado.

Faites- la sonner sur les collines ondulantes de la Californie.

Mais cela ne suffit pas.

Faites-la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie.

Faites-la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee.

Faites-la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississipi, faites-la sonner au flanc de chaque montagne.

Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque ville et chaque hameau, dans chaque Etat et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles vieux « spiritual » noir : « Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu Tout-Puissant, nous voilà libres enfin. »