Ho an’izay nanontany ny amin’ny Karemy. Ity misy lahatsoratra  nosoratan’ny mpitandrina mpiara-miasa. Hita ao amin’ny « Paroles Protestantes » Le magazine des protestants en région parisienne. Voasoratra tamin’ny Febroary 2013.Pejy faha-12.

http://region-parisienne.eglise-protestante-unie.fr/Echanger-des-convictions/Dossiers-et-debats

Carême et protestantisme : deux mots apparemment contradictoires. Et pourtant…

Carême est encore souvent associé à « jeûne », pendant les 40 jours qui mènent du mercredi saint au dimanche des Rameaux. Bibliquement, cette pratique peut se fonder sur la retraite de Jésus au Désert, tout de suite après son baptême. Là, il jeûne pendant 40 jours (Mt 4.1-2, Lc 4.1-2). Cependant, ce n’est pas cette abstinence de Jésus qui est primordiale mais plutôt sa préparation à sa mission, par une ascèse qui se traduit par les trois tentations mises en œuvre par l’Adversaire.

De l’assiette à l’esprit

La pratique des privations de Carême imposées par le catholicisme a longtemps pris le pas sur un temps pour approfondir sa vie spirituelle. Et l’on débattait sur les escargots et des grenouilles quant à leur statut de « viande de Carême ». Cependant, c’était aussi un temps de pénitence, et pas seulement à cause du jeûne. Malgré les soins apportés par les conciles, Pères de l’Église et auteurs chrétiens, pour définir le début, la rupture et toutes les  modalités du jeûne de Carême, il ne leur a pas échappé que cette période était un temps propice à examiner sa vie de foi, à questionner ses relations avec Dieu ; à mettre à profit pour nourrir son âme ce qu’on économisait en moyens divers pour nourrir son corps.

Le lard et la Grâce

Les réformateurs se sont vus confrontés au Carême, avec son double aspect de jeûne pénitentiel et de cheminement spirituel. Luther, auteur de Huit Sermons sur le Carême (1522), retient ce dernier aspect, notamment pour se préparer aux grandes fêtes chrétiennes, mais refuse de systématiser le jeûne. À sa suite, Calvin recommande le jeûne dais diverses circonstances : guerres, épidémies, famines, situations de conflit.., mais surtout, en vue d’une plus grande proximité avec Dieu, l’esprit étant plus disposé à la prière et la méditation :Et de fait, nous expérimentons que quand le ventre est plein,l’esprit ne se peut si bien élever de       Dieu(1) Mais il refuse les pénitences de Carême comme œuvre salutaire « digne et excellente » dont on pourrait s’enorgueillir : Ç’a été une fausse imitation et frivole et  pleine de superstition que les anciens ont appelé jeûne de  Quaresme (2) .Le Sola Gratia protestant ne peut de toute évidence faire bon ménage avec les privations. [Ce n’est pas cette abstinence de Jésus qui est primordiale mais plutôt sa préparation à sa mission] Ce qui vaudra la prison au protestant Clément Marot, accusé d’avoir mangé le lard et la chair toute crue (3)

Des économies à l’écologie

l’Église catholique invitait volontiers à mettre de côté l’argent économisé par les privations  volontaires le petit « noir » du matin, le cinéma.., économies ensuite offertes à des œuvres caritatives, pour manifester qu’il s’agissait avant tout d’un partage. Si catholiques et protestants s’accordent sur le cheminement spirituel de ces 40 jours, et que le « Carême protestant» n’est plus un oxymore mais une série de prédications, ce début de 21e siècle peut être l’occasion d’en élargir le sens. Economiser pour aider, bien sûr! Mais si le Carême offre l’occasion de rentrer en nous-mêmes, ce serait non pas tant pour nous examiner d’une façon un peu narcissique, que pour ouvrir sur le monde un regard nouveau, et de passer des économies à l’économie, et même à l’écologie. S’il est loisible de se priver de certaines choses pendant cette période, n’est-ce pas le moment de reconsidérer notre façon de consommer, et pas seulement viande ou poisson? De réfléchir activement sur la façon dont nous « usons », au double sens d’utiliser et d’épuiser, les ressources de notre planète, le plus souvent au détriment des pays pauvres ? 40 jours pour se rapprocher de Dieu : comment le faire sans être prochain de tous, dans ce « village mondial » où l’avenir de ceux à qui nous le léguons, ne peut passer que par la sobriété, la solidarité et le partage?

                                                                                                                             Christine Leis

(1)Institution de la Religion Chrétienne, 1, IV, ch.XII, 16

(2) Idem, 20

(3) C. Marot, épître à Lyon Jamet